Well Fuck

with May Lee

Vous chantiez, j'en suis forte aise. Eh bien dansez maintenant.

C'était drôle, cette ambiance presque horrifique. En s'aventurant dans cet appartement logé en plein centre-ville, tôt dans la matinée, on avait pourtant l'impression de s'aventurer en enfer. Plongé dans la pénombre, il ne semblait pas y avoir âme qui vive. Tout était étrangement calme, bien trop calme et cela n'avait absolument rien de vraiment rassurant. De la chambre pourtant, semblait-on entendre la respiration lente et las d'un monstre encore endormi, tasser dans son antre. Il aurait fallu être totalement fou pour vouloir se prêter au jeu du réveil avec une pareille bête et pourtant… Le soleil -ou plutôt la lumière du jour, car il pleuvait à verse- sembla filtrer par-delà-les stores, s'aventurant progressivement sur le visage de celui qui dormait encore. Bientôt, cette dernière s'arrêta sur ses yeux et peu à peu, l'étrange créature sembla émerger de sa torpeur. Voilà qu'il avait trop peu dormi, lui qui aurait souhaité rester dans les bras de Morphée bien plus longtemps.
Et quelle heure était-il déjà ? Ah oui, bientôt midi. Pas franchement alarmant vu l'heure à laquelle il était allé se coucher hier soir, en fin de compte. Il s'était retrouvé totalement happé par cette série et comme une vraie « ménagère » il s'était installé sur son canapé, sous un petit plaid bien chaud et incroyablement doux que sa mère lui avait offert pour Noël quelques années plus tôt, puis il avait regardé un premier épisode. Puis un second. Et un troisième. Et ce n'est que lorsqu'il eut achevé la première saison, pourtant constituée d'une tripotée d'épisodes, qu'enfin, Jay jugea raisonnable d'aller se coucher, encore emmitouflé dans son plaid. Il avait pourtant parfaitement conscience que ce genre de soirées lui fracassait son rythme de sommeil pourtant déjà bien amoché par la vie. Il avait « passé l'âge » comme il avait tant de fois entendu ses parents le dire. Et, alors que la trentaine glissait peu à peu sur lui, force était d'admettre qu'ils n'avaient pas eu totalement tord et qu'il saisissait enfin ce qu'ils avaient voulu dire à ce moment-là.

Comme un ours encore un peu pataud, Jay se retourna dans son lit pour tenter de se rendormir. Comme si gigoter dans tous les sens pouvait avoir un effet soporifique quelconque. Il savait déjà que ce combat était perdu d'avance, il ne parviendrait pas à se rendormir et ce malgré la fatigue qui endolorissait encore les muscles de ses jambes. Qu'à cela ne tienne, tant pis, il se contenterait de trainer sous la couette encore quelques minutes avant de se lever. De toute façon, il n'était pas vraiment du genre à procrastiner toute la journée et, bien qu'il n'ait pas de rendez-vous aujourd'hui -puisque c'était son seul jour off de la semaine- il avait tout de même l'intention de gribouiller un peu. Et puis, il devait également sortir pour aller faire quelques courses, afin de remplir -pour quelques jours seulement- son réfrigérateur.

Finalement impatient, Jay se leva -ou plutôt glissa- hors de son lit pour se diriger immédiatement dans sa salle de bain. Il avait besoin d'une bonne douche pour se remettre les idées en place. Et de se laver les dents aussi, parce qu'il n'était pas question de sentir l'ogre s'il devait sortir. Il s'habilla à la vitesse de l'éclair et, les cheveux encore humides, il parti à la recherche de sa liste de courses. Il avait envie de manger des ramens ce soir, mais des faites-maisons, alors pour trouver tous les ingrédients, Jay n'avait pas trente solutions ; il devait se rendre au centre commercial. Heureusement, il n'habitait pas trop loin de ce dernier et, armé d'un parapluie et d'une veste bien chaude, il sorti pour affronter la pluie qui sévissait encore dehors.

Faire les courses fût presque une partie de plaisir. Pas beaucoup de monde, donc personne en caisse. Et si Jay aimait bien une chose, c'était que ça aille vite. Pas question de perdre son temps ! Des sacs dans les bras, il s'apprêtait à quitter le centre commercial quand tout bascula sans qu'il ne comprenne pourquoi. Il marchait simplement -peut-être un peu rapidement, certes- quand son mollet lui fit subitement très mal. Cette douleur là il la connaissait bien, c'était une crampe. Il songea un instant qu'il était impossible d'avoir une crampe alors qu'il marchait, mais son esprit n'alla pas franchement plus loin. Il tituba et dans son élan, il donna malheureusement un coup d'épaule à une passante. Heureusement, il parvint à garder contenance et à rester debout, boitillant légèrement. Il se retourna alors pour s'excuser, s'attendant déjà à un flot d'insultes. Mais, avec horreur, il constata que la jeune femme était au sol. « Merde ! » Il fit un pas -un peu chancelant vers elle- pour tenter de l'aider à se relever. « Ouah j'suis désolée ! J'faisais pas attention au fait que j'étais en plein milieu du chemin ! » Jay secoua doucement la tête. Il rêvait ou c’était elle qui s’excusait ? Le monde à l’envers. « Je suis sincèrement désolé, j’ai perdu l’équilibre… Je ne voulais absolument pas vous faire tomber. Est-ce que vous avez mal quelque part ? » Il n’avait pas franchement pas envie de devoir l’emmener à l’hopital. Y’avait les ramens à faire quand même.